samedi 11 avril 2015

LA FILEUSE D'OR

Elle est là, toute seule, assise sur un banc,
Où l'ombre du vieux chêne la protège,
Une bise légère joue avec ses cheveux blancs,
L'âme prise en un douloureux manège.

Elle ressent si fors sa tristesse,
Nullement atténuée par le temps,
Elle voudrait hurler sa détresse,
Qui l'enchaîne depuis quarante ans.

Le passé la rattrape, elle était si jeune alors,
Son amour, gentilhomme aux cheveux clairs,
Elle, fileuse en sa maison, brodeuse d'ors.
Tout les séparait, l'amour les frappa tel l'éclair.

Que de rires, de promenades en accords,
Ne pas se faire voir, s'aimer hors décor,
Les hommes sont mauvais et furieux,
L'amour, lui, est si beau, si mélodieux.

La colère grondait dans toutes les rues !
La rage prenait les coeurs bien hauts !
A bas les Aristos ! Déferlante de haine crue,
Demeures ravagées, les hommes prisonniers.

Ils ont pris son amour et sa famille entière,
Contre tous, elle est seule, que peut-elle faire ?
Leurs regards se sont croisés, d'amour fier,
La peur les a étreints tel l'étau broyant le fer.

Lui, par ses yeux lui disait de se taire,
De peur qu'ils la prennent prisonnière,
Il fallait qu'elle vive, pour l'enfant à venir,
Leur précieux trésor, leur devenir.

Tous les jours, sa frêle main parfumée,
Passe les barreaux, qu'il puisse la toucher,
Aucuns mots ni regards n'étaient accordés,
La pression de leur doigts pouvait tout résumer.

Un matin, il fût mené sans ambages,
Ou sa famille l'avait précédée,
Sur l'échafaud, assassin sans âge,
Place bondée dans l'attente du sang versé.

Il était maintenant debout devant ses juges,
Pourtant ses yeux emplis d'amour, non de rage,
Firent sur la foule, l'effet d'un refuge,
Il ne voyait qu'elle, lui donnait son courage.

Elle sut à cet instant précis, que son coeur à jamais,
Ne battrait plus que pour le petit être qu'elle portait,
Dieu ! Qu'elle aimait l'homme qu'on lui prenait,
Qu'il emporte dans la mort, ce sourire qu'il aimait.

Elle éleva ce garçon aux tendres cheveux clairs,
Lui parlant avec infinie tendresse de son père,
Qui su jusqu'à la fin rester droit et fier,
De l'amour qu'il vouait à la jeune lingère.

Enfin pour elle, le jour du grand départ,
Elle n'a qu'une hâte, revoir son amour,
Il l'attend c'est sur, c'était dans son regard,
Quand ses yeux lui criaient : je t'aimerai toujours......

Jolycène


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire